à Monrion, le 20 mars [1757]
On ne se douterait pas, monsieur, qu'un théâtre établi à Lausanne, des acteurs peut-être supérieurs aux comédiens de Paris, enfin une pièce nouvelle, des spectateurs pleins d'esprit, de connaissances et de lumières, en un mot tous les soins qu'entraînent de tels plaisirs, m'ont empêché de vous écrire plus tôt.
Je fais trêve un moment aux charmes de la poésie et aux embellissements singuliers qui embellissent notre petit pays roman et qui font naître des fleurs au milieu des neiges du mont Jura et des Alpes, pour vous réitérer mes sincères et tendres compliments. Je vous en dois beaucoup pour la bonté que vous avez eue de remarquer quelques unes des inadvertances de cette histoire générale. Je vous en dois davantage pour la vie d'Erasme et pour celle de Grotius que vous voulez bien me promettre. Par qui pouvaient ils être mieux célébrés que par un homme qui a toute leur science et tous leurs sentiments? J'ai vu un petit manuscrit de m. de Pouilly, que je regretterai toujours, sur Grotius. Mais c'était un ouvrage très court, et qui entrait dans fort peu de détails.
J'attends avec impatience le présent dont vous avez la bonté de m'honorer. Je ne vous enverrai l'histoire générale qu'avec les corrections dont je vous ai l'obligation. On en fait usage dans une seconde édition; mais il faut laisser écouler la première. Les libraires à qui j'en ai fait présent, se sont avisés d'en tirer sept mille exemplaires pour une première édition que je ne regarde que comme un essai, et comme une occasion de recueillir les avis des hommes éclairés. La vie d'Erasme et celle de Grotius serviront beaucoup à me remettre dans la bonne voie….