A Cirey, 21 octobre [1736]
Ah, monsieur, votre charmante épître, vos vers qui, comme vous, respirent les grâces, méritaient une autre réponse. Mais s'il fallait vous envoyer des vers dignes de vous, je ne vous répondrais jamais; vous me donnez en tout des exemples que je suis loin de suivre. Je fais mes efforts; mais malheur à qui fait des efforts!
Votre souvenir, votre amitié pour moi, enchantent mon cœur autant que vos vers éveilleraient mon imagination. J'ose compter sur votre amitié. Il n'y a point de bonheur qui n'augmente par votre commerce. Pourquoi faut il que je sois privé de ce commerce délicieux! Ah! si votre muse daignait avoir pour moi autant de bienveillance que de coquetterie, si vous daignez m'écrire quelquefois, me parler de vos plaisirs, de vos succès dans le monde, de tout ce qui vous intéresse, que je défierais les Rousseaux et les Desfontaines de troubler ma félicité!
Je vous envoie le Mondain. C'était à vous à le faire. J'y décris une petite vie assez jolie; mais que celle qu'on mène avec vous est au dessus!
Comptez, monsieur, sur le tendre et respectueux attachement de
Voltaire
Pourquoi n'ai je reçu que le 21 votre lettre datée du 5 octobre?