[28 9bre 1735]
Vous voyez mon cher ami par la lettre de mr de V. que toutes sortes de maleheurs m'arivent sans votre amitié et la sienne.
Le diable ou le petit abbé de la Marre seroient plus heureux que moy quoi que l'un à ce qu'on dit est damné et que l'autre, ce qui est sûr, ait la vérole. Il a de commun avec moy d'avoir emprunté de l'argent de notre ami mais nos cas sont bien différents. J'aimerois cepandant mieux estre dans le sien, on sort plutôt des mains de [?Petit] que de celles de la misère. L'abbé a envoyé ici des vers fort mauvais et de la prose assez plaisante. Il commence ainsi, mr paroles ne püent pas, j'ay la vérole, on ne la süe point sans argent et je n'en ay pas. Vous qui en avez prêtez m'en etca. Il finit cepandant dans sa lettre par où il commence, dans tout les endroits où il est un quart d'heure il devient impertinent, Soyez Apollon pour moy, inspirés moy et me guerissez à charge de revanche.
Un autre homme a écrit à mr de V. du fond d'une province une lettre presque aussi plaisante. Mr comme je sçay que vous aimez la gloire illy a icy trois ou quatre tragédies fort belles et manuscrites. On veut les vendre et on vous propose de les acheter.Le tout est d'un stil fort sérieux et encor plus pesant. Toutes ces choses et les ouvrages de notre cher V. amusent fort notre société. Quelques uns de ces jours je vous feray un détail de nos amusements. En attendant je vous diray que nous faisons force quatrains pour Emilie. Pour cette fois vous n'aurez que les miens par la raison qu'on sert les meilleurs repas au commencement par les viandes les plus grossières. Le maleheur est que vous aurés encor tout votre appétit au desert. N'importe, voici toujours mon service.
Ce qu'illy a de mieux dans [ces] drogues là c'est que voilà la première fois que je les mets sur le papier et qu'elles ont été faites de commande et presque sur le champ. Je vous aime aime aime.