Abbeville ce x jan. 1774
J’ai l’honneur de Vous écrire Monsieur, et je m’i crois obligé pour vous dire que ce n’est pas moy qui ai envoyé à mr de V: le mémoire sur lequel on a fait l’article justice inscri dans les questions sur l’enciclopédie, page 235 de l’édition de l’année 1772.
Cet article qui conserne la malheureuse affaire de mon parents est mot pour mot la même chose qu’une relation de la mort du cher de la B… imprimé en Hollende en 1766 dattée du 15 juillet de la ditte année, et adressé par mr Cass… à mr Beccaria. Si ce mémoire est parvenus sous mon nom à ce grand homme qui vous est attaché Monsieur par des liens du sang et de l’amitié, je puis vous protester que c’est sans ma participation et à mon insue, que je n’ai aucune part à cet envoi ni directement ni indirectement. Je n’ai écrie à mr de V… pour l’intéresser à mes malheurs qu’au mois de juin 1768, j’ignorois alors tout ce qui avoit été imprimé de relatif à cette catastrophe affreuse à laquelle je ne pense qu’avec horreur. Si il a encore mes lettres et le mémoire en question, ayié la bonté Monsieur de l’engager à les comparer, il verra la différence de stil et d’écriture de ces pièces. Quelques personne ce plaignent de ce mémoire, je n’en suis pas surprise, certains faits importants y sont passés sous silence, d’autres y sont tronqués et falcifïes. J’ai moy même lieu de m’affliger de la manière dont je suis traité, d’après cela comment peut on croire que c’est mon ouvrage? Il est inconcevable qu’on ait induit en erreur mr de V… sur cet objet. Si j’avois eu connoissance en 1768 de la lettre écrite en 1766 au marquis de Beccaria j’aurois pris la liberté d’en porter mes plaintes à mr de V…, je l’aurois prié de ne pas laisser subsister ces ommissions et inexactitudes dans les éditions qu’on auroit pu donner par la suite des questions sur l’enciclopédie. Je me suis borné à luy offrir des mémoires sur cette affaire et à luy mender que c’étoit me Denis sa nièce qui avoit toute la procédure d’Abbeville à ce sujet. Il me répondit qu’il croyoit avoir à peu près tous les papiers qui concernoient cette affaire. Je luy envoyé après quelques anecdotes qui me regardoit dont il n’a point fait usage. Mr Douville vous avoit envoyé en 1766 beaucoup d’éclaircicement sur le même objet, mais de tout cela il ni a eu d’imprimé que la lettre à mr Beccaria à laquelle je n’ai aucune part. Au reste mon plus grand désir est que toute cette affaire reste dans le plus grand oubli et qu’on en perde jusqu’au souvenir. Rendés je vous suplie Monsieur ces sentiments à votre respectable ami, je vous en aurés baucoup d’obligation. J’ai l’honneur d’estre très parfaitement Monsieur Votre très humble et très obbéissante servante
Sr Feydeau abbesse de Villancourt