1755-01-31, de Jean Robert Tronchin à Jean Louis Labat, baron de Grandcour.

Voilà, mon très cher ami, ton Neptune retrouvé.
Je mets la main à la plume pour t'en féliciter de bon cœur de même que de l'arrivée à Marseille de la Marie Anne dans le quel tu as sans doute aussi intérêt, M. Perier Salrietee de qui je reçois ces deux bonnes nouvelles en datte du 27 Cr t'en donnent sans doute les détails. Ce der chargemt rendra bien aux Interessés.

Je t'envoye cy joint la promesse pr M. Gourgas de 4160lt pble dans un an, tu rempliras s.t.p. la datte que je t'ai demandée par le der Courier.

J'ay eu comme tu penses bien tous les détails de la négon de M. de Voltaire pr st Jean par l'ami Frs , de même que les circonstances partres qui te touchent dans le service capital que tu as rendu à notre ami M. Mallet. Je t'assure que je n'ai point eu d'inquiétude sur la critique de q̲q̲ues uns, quand on se conduit par des motifs aussi louables que les tiens, elle tombe bientôt, & le public doit te rendre coe il fait la justice qui t'est due.

Je ne sçais pas trop à quel propos tu me dis que je devrois t'écrire plus confidemment. Nous n'avons pas eu des secret l'un pr l'autre et je ne suis nullemt dans le cas d'avoir des réserves avec toi. Tu me fais sans doute cette observation à l'occasion de l'achat de st Jean par M. de V., mais il est très à propos de te dire que j'ignorois parft que tu eusse aucune relation avec lui, ni qu'il fût question de toi pr traitter cette négon avec lui, puis que je ne l'ai sçu de l'ami Frs qu'après qu'elle a été consommée, c'est à dire les conventions signées. Si je l'avois sçu d'abord assurément je t'aurois marqué mes idées à cet égard qui pouvoient mieux réussir par ton canal, que par celui de mon frère qui en cette qualité n'aura peutêtre pas seulement jugé à propos d'en faire usage. Il ne m'en a même pas dit le mot ni rien écrit là dessus, & par ce der Courier je n'ai rien de sa part.

Voici donc mes idées. J'avois proposé à Frs de devenir moi même Acquéreur de st Jean, de le remettre à M. de V. pr y faire tout ce qu'il lui plairoit et en jouir sa vie durant, après quoi il me reviendroit en toute propriété, Et j'avois pensé là dessus qu'il devoit fournir la plus grande partie du prix, et moi l'autre restante dès àprésent de mes deniers. Il s'agit d'arbitrer ce quantum. M. de V. a peutêtre 5 à 6 ans de plus que moi, suivt cette proportion je jouirois peu ou peutêtre jamais, et les intérêts du Capital que je sacrifierois dès àprésent pr acquérir la propriété après M. de V. se trouvent perdus. J'estimois que ta négon seroit avantageuse pr moi, si je ne fournissois que le tiers du Capital. Examine cette affaire que l'on pourroit encore très bien arranger de cette façon parce que je pense que le contract de vente n'est pas encore passé, et que si mes propositions étoient goûtées par M. de V. sur l'ouverture que tu pourrois lui en faire, il seroit aisé d'établir ce marché par un contract, ou plusieurs. Il semble même que cet arrangemt rendroit sa négon plus solide; Tu verras mon cher ami, si ces idées peuvent avoir q̲q̲ue succès, si cela ne se peut mon deuil en sera bientôt fait, mais si j'avois pu deviner que tu serois mêlé là dedans, assurément c'est à toi que je me serois adressé; Et s'il y a encore q̲q̲ue chose à faire dans ce point de vûe, il faudroit sonder M. de V. pr savoir s'il goûteroit un tel arrangemt, me nommer, & lui demander ce qu'il imagineroit des conditions que l'on pourroit établir entre nous. Vous discuteriés cette matière ensemble, et conviendriés de me proposer ces conditions &ca. Mon observation à ce sujet est pr que tu ayes la bonté d'éviter de me compromettre avec lui. Je t'embrasse très cher ami & suis de tout mon cœur entièremt à toi.

Je t'envoyai par le der Courier un fort gros paquet de lettres.