Des Délices, 13 [23]août 1755
Mon cher Colini, je viens de recevoir la lettre de ma sœur, par le résident: ce qu'elle m'apprend m'indigne.
Vous savez que je n'ai jamais eu les campagnes du roi en ma disposition. Mon oncle les emporta lorsqu'il partit de Paris pour la Prusse. Il restait dans son cabinet de vieux brouillons sans suite, sans aucun ordre; c'étaient des feuilles déchirées; des chapitres entiers manquaient, il n'y avait pas le quart de l'ouvrage. Je sortis ces brouillons de ce cabinet; mes femmes me proposèrent de s'en servir pour emballer mes caisses. Il faut donc que ce …. en ait attrapé quelque cahier.
Je vous supplie de voir m. de Malsherbes sur le champ; je lui écrirai par la première poste. Montrez lui l'horreur de ce procédé: mon oncle vient de lui écrire. Tout ce que je demande, c'est que l'on confronte le manuscrit de m. d'Argenson et cette rapsodie; on verra qu'elle a été ramassée dans les ordures et liée comme on a pu, pour ramasser quinze à vingt louis. Adieu; voyez vite m. de Malsherbes. Je crains qu'il ne conte cette affaire à mon oncle, et sans avoir le moindre tort, je serais perdue. Ne perdez pas un moment: adieu; je meurs de douleur.
M. de Giez est à Paris; il demeure rue Neuve-Saint-Eustache, chez mm. Silvestre et Grand, banquiers. Voyez le, vous pourriez revenir avec lui; mais tâchez de faire supprimer cette abominable édition avant votre retour.