ce 20 juin [1755] des Délices
Lisez et jugez Monsieur si notre muse vieillit.
Il me semble qu'elle a conservé sa fraicheur et ses grâces en Allemagne et en Suisse comme si elle étoit aumilieu de Paris. Mon Oncle se fâche et prétand que cette épitre ne vaut pas la peine de vous être envoiée. Mais je le laisse dire. Tout iroit bien sans cette P. Nous recevons tout les jours sur elle des avis qui nous désespèrent. Nous ne pouvons plus douter qu'elle ne soit en de bien mauvaises mains tant à Paris que dans les païs étrangers, et àmoins que st Denis ne dessande encor une fois sur son raion pour la préserver des mal voulants, je la crois dans un grand danger.
Nous fesons actuelement l'impossible pour en retirer deux Copies mais quand même on nous les rendroit qui nous assurera que les même gens n'en garderont pas une par de ver eux?
Cependand il ne faut pas se désespérer puis que jusqu'ici elle n'a pas paru. Peut être ne paroitra t'elle jamais.
Mon Oncle travaille actuelement à une tragédie qu'il vous donnera cet hyver. En général il produit plus facilement que jamais et son feu ne se consume point.
On dit que Mr le Marquis de Pomi viendra à Gexe au mois de juillet. Nous n'en sommes qu'à une petite lieue. S'il vouloit accepter un lit dans notre Cabane nous en serions bien flatés. Mendez moi Monsieur si ce bruit a quel que fondement et si effectivement il viendra de nos Côtez.
J'ai l'honneur d'être avec le plus inviolable attachement Monsieur
Votre très humble et très obbéisente servente
Denis