1755-03-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Louis Lekain.

Je reçois dans le moment votre lettre de Dijon du 18 mars.
J'envoye ma réponse à Lyon, mon cher ami, chez Madlle Destouches. Vous allez sans doute recueillir à Lyon autant d'aplaudissements et d'honoraire qu'à Dijon. Si après cela vous avez le courage de venir chez moi, il faut que vous ayez encor celui d'y être très-mal logé et très-mal couché: mes Délices sont sens dessus dessous. Je suis entouré d'ouvriers qui m'occupent du matin au soir. Vous me verrez devenu maçon, charpentier, jardinier; il n'y a que vous qui puissiez me rendre à mon premier mêtier. Vous ferez aisément le voyage de Lyon à Genêve par les voitures publiques. Ma maison est précisément à la porte de Genêve, et je vous enverrai un carosse qui vous prendra en chemin le jour de votre arrivée. Vous n'aurez qu'à m'instruire du jour au quel la voiture publique se rend à Genêve; mon hermitage est précisément sur le chemin qui conduit de Lyon à cette ville: vous n'aurez pas la peine d'entrer dans Genêve pour venir chez moi.

Si mon carosse ne vous rencontrait pas en chemin, vous n'aurez qu'à dire au voiturier d'arrêter à St Jeanà deux-cent pas de la porte de Genêve. Nous vous faisons made Denis et moi les plus tendres compliments. Je vous embrasse de tout mon cœur.

Voltaire

Je ne suis point à Prangin, songez bien que je suis chez moy aux Délices à St Jean aux portes de Geneve, et que la maison méritera son nom quand vous y serez.