1767-04-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Le Rond d'Alembert.

Je me suis douté, monsieur, que vous ne seriez pas content de l'étui de mathématiques.
— Il vient du cabinet d'un grand maître, mais les garçons ne valent pas le diable. Ils ne sont occupés qu'à raisonner et à boire. On travaille votre planétaire, dieu sait quand il sera fini. Vous avez dû aussi être mal servi à Lyon. On n'y fera jamais bien que des étoffes. Je suis fâché que l'ouvrier Jean Georges ait refusé la besogne qu'on lui donnait à faire. Je ne le croyais pas si sage. Vous voyez qu'on corrige quelquefois les sots. J'espère que Fréron sera bientôt corrigé en qualité de sot et de pervers. Mais, puisque le gouvernement d'Angleterre fait une pension à Jean Jacques, pourquoi le gouvernement de France n'en fait il pas à Fréron? Jean Jacques est plus adroit qu'on ne pense: il a trouvé le secret de piquer l'honneur de lord Chatham, qui s'est fait un mérite de lui faire obtenir ce qu'il n'avait pu avoir par le moyen d'un Ecossais.

Dieux qui le connaissez,
Est-ce donc la vertu que vous récompensez?

Il y a une statue de marbre haute d'un pied et demi environ qui vous est adressée par les voituriers de Dijon; elle doit être franche de port. Je la crois arrivée à présent. Ce n'est pas la statue que Jean Jacques demandait pour lui: c'est celle que vous avez bien voulu qu'un homme qui vous aime tendrement vous présentât.

Mille tendres amitiés aux Français vos amis et des croquignoles aux Welches.

Je vous demande en grâce de dire à m. le chevalier de Rochefort combien je l'aime: on n'a point reçu les paquets.

V. t. h. o. s.

Boursier