1766-10-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Le Rond d'Alembert.

Je viens de lire le procès d'un philosophe bienfaisant contre un charlatan ingrat.
Voilà une affaire aussi ridicule que Jean Jacques lui même. Je me trouve, mon cher philosophe, fourré dans cette noise, comme un homme qui assiste à un souper auquel il n'est point prié. Ce polisson de Jean Jacques se plaint que je lui aie écrit une lettre dans laquelle je me moque de lui. Il est très sûr que je m'en moque; mais il est très faux que je lui aie écrit; c'est apparemment quelque Walpole qui s'est égayé à lui donner des croquignoles sous mon nom. Je vous prie d'assurer vos amis que Jean Jacques a menti sur mon compte comme sur le vôtre.

N'allez vous pas nommer m. Thomas à la place de m. Hardion? Vous aurez le plaisir de faire succéder un homme d'un vrai mérite à un de vos plus médiocres confrères. Tâchez d'occuper longtemps la place que vous y avez: vous me nommerez bientôt un successeur, car je m'en vais mon grand train. En attendant, aimez moi comme je vous aime.