1776-10-25, de Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet à Voltaire [François Marie Arouet].

Vous savez, mon illustre maître, ce qui vient de nous arriver.
Nekre succède à mr Turgot, c'est l'abbé Dubois qui remplace Fénélon. Vous retrouvez les folies et la corruption des temps de votre jeunesse. M. de Vaines a quitté; c'est une action noble, digne d'un ami de m. Turgot. Il n'a pas voulu servir sous les assassins de son ancien général.

J'ai reçu de vous une lettre charmante. Je fais l'éloge de Linnæus. M. le comte n'en sera pas content, il n'a jamais pardonné à Linnæus de s'être moqué de ses phrases.

Nekre fait un peu oublier Shakespear. Des gens qu'on veut écorcher tout entiers, sont indulgents pour qui se contente d'écorcher leurs oreilles avec de mauvaises tragédies. Le nouveau Law est grand partisan de Shakespear, parce qu'il s'imagine être admiré en Angleterre et que Garrick a joué pour lui.

Adieu, espérez que dans peu nous verrons de beaux jours, il y a des choses qui ne sauraient durer.

Quand je saurai des détails je tâcherai de trouver moyen de vous les envoyer sans que la canaille de la poste intercepte mes lettres.