1755-02-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Germain Gilles Richard de Ruffey.

Il est vrai, Monsieur, que j'ai Loué pour quelque temps une des plus jolies campagnes du monde auprès de Genêve.
Je ne sais si j'en aurais pû trouver une aussi agréable auprès de Rome. Mais je n'ai choisi cette campagne qu'en qualité de malade, et parce qu'elle m'aproche d'un médecin en qui Madame Denis dit que je dois avoir confiance. Cette maison est sur le chemin des bains d'Aix en Savoye où L'on veut me conduire. J'aimerais bien mieux aller à Dijon jouir de votre amitié et être témoin de tous Les avantages que Mr de La Marche procure à La Ville et aux Lettres. Si ma santé peut devenir tolérable, je vous assûre que je viendrai à Dijon passer une partie de L'hiver. Je suis tendrement attaché à Mr de La Marche depuis mon enfance: ce serait une grande consolation pour moi de le voir encor avant de mourir; mais je crains bien de n'avoir plus la force de faire des voyages.

Je vous dois, Monsieur, les bontés de made La Baronne de Donop; elle m'a fait déjà L'honneur de m'écrire pour m'offrir ses bons offices. Tout le pays où je suis, s'est empressé à me donner Les marques les plus touchantes de bonne volonté. Mes maladies m'empêchent d'en proffiter, mais elles me laissent un cœur bien sensible aux attentions dont vous m'honorez. Je vous supplie de vouloir bien présenter mes respects à Mr le Premier Président de La Marche. J'ai L'honneur d'être avec toute la reconnaissance possible, et avec les sentiments Les plus tendres et Les plus respectueux, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire