à Prangin 7 février 1755

Monsieur votre frère, Monsieur, m'a écrit qu'il m'offrait son nom pour l'acquisition de S^t Jean.
Je vous supplie de vouloir bien le remercier de ma part. Vous savez que Messieurs Cramer m'avaient offert précédemment leur entremise, et que ce sont eux qui ont commencé cette négociation. Je souhaite passionnément que leurs soins puissent réussir dans une affaire si délicate et si épineuse. Le principe dont il faut partir dans toute cette affaire, c'est que je donne 87200 £. pour avoir la liberté précaire de respirer l'air des fossés de Genêve. Je dois pour mes 87200 £. être tranquile dans ma jouissance; je dois être à l'abri des Loix qui peuvent me la ravir. Mes héritiers, et ceux de M^rs et Mesdames Cramer doivent être également en sûreté. Ni contracts de mariage, ni donations, ni créances quelquonques ne doivent préjudicier ni à ma jouissance de S^t Jean, ni au prêt que je fais de 87200 £. J'ai l'honneur de vous envoyer le nouveau mémoire rédigé par Mr Cramer et par moi, pour le soumettre à vos lumières, à celles de Mr Mallet, de Mr De Lormes, et de vos amis. En un mot, Monsieur, je demande qu'on ait la bonté de prévenir tous les inconvénients que tout le monde prévoit. C'est à Mr Mallet qui vend sa terre à me donner toutes les facilités de l'acquérir. Si depuis le temps qu'on travaille à chercher ces facilités, on ne les trouve pas, on ne les trouvera jamais. Ce ne sera certainement pas moi qui les trouverai dans mon lit à Prangin. Je n'ai d'autre parti à prendre qu'à supplier Mr Mallet de me faire donner avant huit jours une réponse définitive avec les minutes des contracts qui doivent me mettre à l'abri de tout, et que je dois signer. Mr Cramer l'ainé qui est sur les lieux, et qui doit ainsi que M^r son frère, passer un accord avec moi, peut le dresser. Il est négociant, il a mère, femme, et enfans, il a des dettes actives et passives comme tout négociant doit en avoir. Il doit mettre en sûreté tous ses droits, tous ceux de sa famille, et tous les miens. Je veux que tout le monde soit content, et je veux l'être; mais soïez très persuadé que votre amitié m'est beaucoup plus prétieuse que tous les environs de Genêve.

Je vous embrasse de tout mon cœur et suis passionément etc., etc.

V…