à Prangin 11 février 1755
Je ne sçais encor monsieur si c'est vous, ou votre très aimable frère ou mr Labat qui achète ce qu'on appelle st Jean, et ce que j'apelle les Délices.
Mais je sçai que j'ay pris la liberté de donner à Mr Labat une lettre de change de 20 mille livres pour le payement de pâques, présumant qu'alors étant payé de la traitte de 18526lt de M. Turkeim sur m. de Montmartel vous satisferez aisément à mon billet.
Ce qui fait que j'ay cessé de vous importuner pour un petit carosse, c'est que Mr Mallet me cède le sien par notre accord. Mais que je crains bien de vous importuner encore! ne connaissez vous personne à Montpellier qui soit assez honnête homme pour fournir à mon estomac délabré et au bon estomac de made Denis quelques bouteilles de vin muscat, et de Frontignan, et autres drogues? voylà une plaisante commission monsieur pour un homme comme vous! Je vous demande bien humblement et bien sobrement pardon. Mais quelque jour sur la fin du repas vous penserez à votre ami. Je ne désespère pas de vous voir quelquefois aux Delices. C'est alors que cette maison sera bien nommée. J'en dis autant à M. Camp.
J'attends des nouvelles de Cadix, et je crains toujours qu'il n'ait pris envie à cette Dame du Pleix qui est toujours montée sur un Eléphant de monter sur le trône. Notre compagnie des Indes se trouverait mal de cette équipée. L'Asie et L'Amérique me font un peu de peine, mais je suis fort content de mon coin de L'Europe. C'est un très joli tombeau pour un malade comme moy qui a déjà vécu plus qu'il ne pensait. Adieu monsieur, les deux solitaires vous embrassent de tout leur cœur.
V.