1755-02-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Tronchin.

Monsieur,

Le malade de Prangin a l'honneur de vous envoïer le projet cijoint, Projet qui se réduit après tout à la permission de se proméner dans un jardin, moïennant quatre-vingt sept mille livres; mais je crois ne devoir point achêter trop cher le bonheur d'être vôtre voisin.
Si ce projet ne réussit pas, en avez-vous un meilleur? Messieurs Cramer sont prêts à faire céder leur entremise à la vôtre.

S'il est impossible à un étranger de faire une acquisition dans vôtre païs, Mr. Mallet veut il faire avec moi le marché de Mr. de Gauffecour? Voïez, décidez, ordonnez. Pour moi, je ne peux me mêler que de souffrir dans mon lit, et de vous remettre une lêttre de change entre les mains quand il vous plaira. J'attends vos ordres. Je voudrais bien ne pas manquer les occasions d'une retraite. Si celle de st Jean me manque, permettez moi de recourir à d'autres saints.

Je vous supplie, Monsieur, de communiquer le projet à Mr. Mallet et à Monsieur de Monperoux à qui j'en donne avis. Voilà bien de la peine pour mettre trois pelletées de terre transjurane sur le squelette d'un parisien. Je signifie au territoire de st Jean que s'il ne veut point de moi, j'irai me faire inhumer ailleurs; mais je vous signifie, Monsieur, que je vous suis attaché à la mort et à la vie, et que je suis pénétré pour vous de la plus vive et tendre reconnaissance.

V.