1755-02-08, de François Tronchin à Voltaire [François Marie Arouet].

Je reçois chaque jour de nouveaux engagemens signés entre vous & M. Cramer, si compliqués, si différens les uns des autres, tous si chargés d'ambages, que quelque désir que j'aye de vous aider de mes avis, je suis réduit à vous demander quartier jusqu'à ce que j'aye eu le temps de réfléchir.
Ce qu'il me semble en gros c'est que vous tournés autour de votre objet, que vous vous faites des monstres pr les combattre, & que vous vous tourmentés à compliquer les choses les plus simples. Pardon de la franchise d'un ami Helvetique. M. Cramer l'ainé vint hier au soir chès moi me demander d'appeller mon frère à leur place; mais soyés tranquile, il ne fera jamais un pas qu'autant que vous l'aurés jugé utile. Je crois convenable de suspendre toute communication de votre dr paquet à M. Mallet qui m'a dit plusieurs fois qu'il ne connoit autre chose que la vente pure & simple qu'il a faite. Que votre santé ne vous permet elle des conférences de vives voix dont une seule vaut une correspondance d'une année! Entre honnêtes gens d'âge mur & qui réfléchissent les bons procédés & les procédés seurs ne sont qu'une & même chose. Quand on veut bien & que l'on veut sans passions on ne peut jamais faire des fautes; je serois aussi sensible aux vôtres qu'aux miennes.