1755-01-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Tronchin.

Monsieur,

Pardonnez à un malade qui ne peut vous répondre de sa main.
L'état déplorable de ma santé me met plus que jamais dans la nécessité de me rapprocher de Monsieur le Docteur Tronchin que je regarde comme le successeur du grand Boerhaave. Mon ancien attachement pour toute votre Famille augmente encor le désir que j'ai d'avoir une maison dans le territoire d'une ville qui a produit tant de grands hommes, et qui en produit encor tous les jours. C'est dans cette vue que j'ai renoncé à toutes les aquisitions qu'on m'a proposées auprès de Dijon, de Lyon, et de Lausanne. Je ne connais ni de séjour plus agréable que celui de votre voisinage, ni de meilleure société que celle de vos concitoyens; mais je n'ai ni voulu ni dû m'engager à rien sans avoir l'agrément et la permission du Magnifique Conseil. Je n'ose prendre la liberté de lui écrire moi-même: je suis étranger, et je crains de manquer à la forme. Je vous supplie, Monsieur, de vouloir bien me servir d'interprète et de protecteur auprès de lui. Personne n'exprimera mieux que vous les sentiments du profond respect dont je suis pénétré, et ne fera mieux valoir la raison de ma déplorable santé qui ne vous est que trop connue. Vous savez d'ailleurs que depuis longtemps mes sentiments m'ont fait un de vos compatriotes. Je suis avec la reconnaissance la plus tendre et la plus respectueuse

Monsieur

Votre très-humble et très obéissant serviteur

Voltaire