1755-01-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Tronchin.

Monsieur

J'ai l'honneur de vous envoier cette lêttre pour Monsieur vôtre frère de Lÿon; c'est l'envie de me rapprocher de vous qui me l'a dictée.
Je la soumets à vos lumières et à vôtre prudence, je suis d'ailleurs en marché avec Monsieur Pictet pour le Loÿer de sa maison; c'est une affaire plus facile et moins coûteuse. Je me tourne de tous les côtés pour être vôtre voisin. Madame Denis a les mêmes idées que moi; elle trouve qu'il serait fort triste pour nous, que vous fussiez à une extrémité du lac, et nous à l'autre. Nous ne savons encor si nous serons où suisses, où genêvois, où savoïards, où français. Nous vous prions seulement de dire à Monsieur de Monpéroux que tout le monde nous a conseillés de nous aprocher du Docteur Tronchin pour nôtre santé, et de tous les Tronchins du monde pour nôtre plaisir, et que Monsieur de Monpéroux entre pour beaucoup dans nos projets. Madame Denis vous aime de tout son coeur, je ne sais pas ce que vous lui avez fait; mais je sais bien ce que vous m'avez fait à moi. Vous m'avez attaché à vous par des sentiments qui ne finiront qu'avec ma vie.

Volt.