à Bareuth le 6 Mars 1754
Je viens de reçevoir, mon illustre ami, les marques de votre attentive amitié.
Compté je vous prie sur toute la reconnoissance de la mienne. J'ai dévoré avec empressement le fruit de votre dernier travail et n'ai rien trouvé qui ressentit le trouble des temps où vous l'avez produit. Tout y est digne de l'autheur du Siècle, tout y est digne de vous. Cela fait verser des Larmes sur cette Histoire universelle, qui devoit courronner vos Nobles travaux. Son A. R. a reçu ici le paquet que vous addressiez à Berlin, et a renvoyez à Porstdam la lettre et l'exemplaire. Pour M. de Montperni il n'a pu reçevoir ce que vous lui envoyez à Berlin, où il n'étoit pas, et moi qui y étoit je ne l'ai point reçu. Je lui ferai part de votre aimable attention et il y sera sûrement bien sensible. Il est maintenant à Paris entre les mains des plus habiles chirurgiens de France et prêt à éprouver la douloureuse opération de la taille. Le Roy a eu la bonté de lui envoyer son premier Chirurgien et il a bien voulu ajouter à cette grâce distinguée, son portrait dans une riche boête portée par M. Vincent. Voilà pour un françois un baume souverain. Il vaudroit pourtant mieux n'en avoir que faire. Le bruit qui a courrus sur la demande de son A. R. à votre sujet a peut être pour fondement une lettre que je l'ai supplié d'écrire, et peut être aussi une conversation que j'ai eu avec M. de Frédersdorf. Nous avons lieu de nous louer de lui, il s'est conduit en homme bien intentionné quoi qu'on l'ait fort assuré que vous ne l'aimiez pas. Je vais lui écrire dans ce moment et vous envoyerez sa réponse. Si je peux vous voir ici je vous dirai bien des choses qui ne s'écrivent pas. On m'apporte un portrait de Me la duchesse de Gotha fait pour vous être envoyez dans une magnifique tabatière, et peint par un peintre de Mgr le Margrave. J'aurois bien désiré que vous m'ussiez fait tenir un exemplaire des annales de l'empire pour ce prince. Ses bontés méritoient autant que celles de S. A. R. cette attention de votre part. Si les annales ne se trouvent pas commodément en France voudriez vous bien m'en arrêter 6 exemplaires et m'en faire sçavoir le prix. C'est pour nos amis de Lorraine, et entre autre pour le père de Lisselie, qui m'écrivit une lettre pleine d'intérêt dans le tems de vos malheurs. Je crois vous avoir dit, mon illustre ami, que Mr le Cte de Gother m'en a beaucoup montré pour vous pendant mon séjour à Berlin, la solliciteuse en valloit bien la peine. Mais n'oublié pas je vous prie dans remercier le Cte de Gother si vous en avez l'occasion. Ce que je vous prie d'oublier encore moins que tout cela c'est que je vous aimerai toute la vie.
Adhemar
J'ai dit que vous n'envoyez pas d'exemplaire pour le Margrave parce que vous n'en aviez plus en marroquin. L'excuse n'est pas trop bonne mais je m'en suis servi faute de meilleure.
J'oubliois de vous dire que je suis convenu d'écrire à M. de Frédersdorf quand l'occasion s'en présenteroit, et qu'il m'a promis avec beaucoup d'honnêteté de faire de son côté tout ce qui dépendroit de lui. J'ai été très content de ses politesse et de sa manière d'agir. J'ai eu l'honneur d'écrire à Me Denis l'arrivée de M. de Montperny. Il ne pourra la voir qu'après sa guérison, qui n'est pas aussi prochaine que je le voudrois, mais il la verra dans ce tems.