1758-02-02, de Pierre Guérin, cardinal de Tencin à Sophia Friderika Wilhelmina von Preussen, margravine of Bayreuth.

Je remercie un peu tard V. A. R. de tout ce qu'elle a daigné me faire l'hr de m'écrire; j'espère qu'elle m'aura fait la grâce de n'en être pas moins convaincue de la vive impression que ses nouvelles bontés ont fait sur mon cœur: Elle aura aisémt compris que pour arriver au but que sa belle âme s'est proposé, j'avais indispensablemt une confidence à faire; je me suis acquitté de ce devoir avec d'autant plus d'empressement que j'ai une connaissance plus particulière de la noblesse & de la générosité du maître de qui j'avais à sonder pour ainsi dire les sentiments.
Ils sont tels que V. A. R. a pu se les imaginer, tels qu'ils doivent être pour mériter l'estime même de ses ennemis: toute l'Europe connaît les preuves qu'il a données de ses dispositions pacifiques. Il a fait ce qu'il a pu même aux dépens de sa gloire pour éviter les malheurs que la guerre la plus juste qui fût jamais devait entraîner avec elle. Il fera encore tout ce qu'il pourra pour la faire cesser, & en cela il se peut dire le digne émule des sentiments dont V. A. R. assure que le roi vre auguste frère est rempli. Le roi mon maître écoutera donc les propositions qui pourront lui être sincèremt faites, bien persuadé qu'on ne lui en fera point qui blessent sa fidélité à ses engagements; il ne traitera point sans ses alliés, & il ne les abandonnera jamais. La bonne foi & la grandeur d'âme seront toujours la règle de sa conduite: qu'il serait glorieux au roi de Prusse parvenu comme il est au plus haut degré de la réputation militaire d'y ajouter celle de concourir dans de pareilles circonstances au bonheur du monde: son génie supérieur lui fournira bien des ressources pour peu qu'il écoute les cris de l'humanité & de la justice. Il a été trompé par nos ennemis jurés qui n'ont rien oublié en fait de mensonges et d'impostures pour rompre une harmonie dont l'interruption fait gémir V. A. R. & toutes les personnes véritablemt attachées à la gloire des deux monarques. Vous pouvez beaucoup madame sur l'esprit de votre auguste frère: quel bonheur pour l'Europe & pour l'univers si le ciel s'était servi de V. A. R. pour faire les premières ouvertures d'une paix si désirable de part & d'autre à tant d'égards.