à Colmar, le 17 février 1754
Vous ne vous souvenez peut-être plus, mon révérend père, d'un homme, qui se souviendra de vous toute sa vie.
Cette vie est bientôt finie. J'étais venu à Colmar pour arranger un bien assez considérable que j'ai dans les environs de cette ville. Il y a trois mois que je suis dans mon lit. Les plus considérables personnes de la ville, qui me font l'honneur de me recevoir, m'ont averti que je n'avais pas à me louer des procédés du père Merat, que je crois envoyé ici par vous. S'il y avait quelqu'un au monde, dont je pusse espérer de la consolation, ce serait d'un de vos pères et de vos amis, que j'aurais dû l'attendre. Je l'espérais d'autant plus, que vous savez combien j'ai toujours été attaché à votre société et à votre personne. Il n'y a pas deux ans, que je fis les plus grands efforts pour être utile aux jésuites de Breslau. Rien n'est donc plus sensible pour moi que d'apprendre ici par les premières personnes de l'église, de l'épée et de la robe, que la conduite du père Merat, n'aété ni selon la justice ni selon la prudence. Il aurait dû bien plutôt me venir voir dans ma maladie et exercer envers moi un zèle charitable, convenable à son état et à son ministère, que de se permettre des discours et des démarches, qui ont révolté ici les plus honnêtes gens, et dont mr le cte d'Argenson, secrétaire d'état de la province, qui a de l'amitié pour moi depuis40 ans, ne peut manquer d'être instruit. Je suis persuade, que votre prudence et votre esprit de conciliation préviendront les suites désagréables de cette petite affaire. Le P. Merat comprendra aisément qu'une bouche chargée d'annoncer la parole de dieu, ne doit pas être la trompette de la calomnie, qu'il doit apporter la paix et non le trouble, et que des démarches peu mesurées ne pourront inspirer ici, que de l'aversion pour une société respectable, qui n'est chère, et qui ne devrait point avoir d'ennemis. Je vous supplie de lui écrire, vous pourrez même lui envoyer ma lettre.
Je suis &c.