Je n'ai pus Vous écrire Monsieur, mais j'ai pus encor penser à Vous, et sentir la joye et la satisfaction que Vos aimables lettres causent: cela ne s'apelle pas être si mal; je l'ai pourtant été extrêmement du côté du phisique, car tout le monde m'a crus prette à passer le pas; admiréz mon courage, malgré mon état je me suis fait lire certaine poésie qu'on m'a adressé il y a quelques mois; malgré le courage je n'ai pas celui Monsieur de croire que le public aye beaucoup regreté ma perte; mon pauvre mérite n'est pas assés considérable pour percer la foule et produire pareil effect.
J'attens Monsieur Votre histoire de l'empire avec une impatiance infinie, et Vous avoue ingénument que je ne suis pas fâchée d'avoir survécue à mes douleurs pour pouvoir la lire, et Vous en devoir l'obligation: comptéz que ma reconnoissance vive et sincère, se manifestra en tems et lieu; quel plaisir seroit le mien de pouvoir l'entendre lire par Vous même: voici l'adresse que Vous avéz demandéz à Rotberg, pour me faire tenir en droiture ce beau morceau: une fièvre de fluxion empêche Rotberg de Vous répondre, et ma foiblesse pas encor entièrement passée ne me permet pas Monsieur de m'étendre d'avantage.
Tout ce que je puis Vous dire encore c'est que la peinture que Vous faite de la grande maitresse est d'après nature: qu'elle Vous aime et admire presque autant que je le fais: que ma famille Vous chérit au delà de l'expression: que je réünis pour Vous tous ces sentimens et que je suis avec une estime sans égalle
Monsieur
Votre très affectionnée amie et servante
LDdG
ce 24 Déc: 1753
Jouisséz encor maintes Amées de l'amour et de l'admiration du public. Je le souhaite avec ardeur.