1753-11-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha.

Madame,

Je reçois la nouvelle marque de bonté dont votre altesse sérénissime m'honore.
J'ay la goutte, le courier qui ne l'a pas va partir, je n'ay que le temps d'assurer v. a. s. que votre cour est la seule où je voudrais vivre.

Je respecte trop votre médiation pour la rendre infructueuse par une philosofie trop opiniâtre. Je prends la liberté de joindre icy ma réponse à m. de Gotter et je vous supplie madame de l'engager à la faire parvenir à mon infidèle. Si elle ne fait pas de bien, il est sûr qu'elle ne fera pas de mal. L'ingrat dans le fond de son cœur doit rougir d'avoir fait tout ce fracas dans l'Europe pour une sottise de Maupertuis dans la quelle il n'entend rien. Il a eu la rage d'autheur bien mal à propos. Il n'y aurait que les grâces conciliantes de madame la duchesse de Gotha qui pussent le guérir; mais de telles grâces ne sont pas celles aux quelles il sacrifie. Que dit à cela la grande maîtresse des cœurs?

Cinquante empereurs se mettent à vos pieds madame. La goute qui tourmente les miens, m'empêche de me livrer davantage aux transports de ma reconnaissance, et de cet attachement respectueux et inviolable que j'ay voué à votre altesse sérénissime.

V.