à Strasbourg 31 aoust [1753]
Monsieur,
Le Roy de Prusse me fait mander de sa part qu'il a ordonné deux fois positivement au sr de Freitag de me rendre l'argent qu'on prit dans mes poches et dans celles du sr Colini le jour que madame Denis, le sr Colini et moy nous fûmes trainez en prison dans Francfort par les mouvements du sr Freitag.
Nous espérons au moins Monsieur que vous continuerez par vos bons offices à nous faire rendre l'argent qu'on nous doit. Le sr Smith en a la notte de ma main, la quelle note j'écrivis en sa présence, et en celle de ses commis qui firent le compte de l'argent pris dans nos poches.
Je pourais vous dire d'ailleurs monsieur que les srs Freitag et Smith ont fait au Roy de Prusse un raport bien infidèle en luy faisant entendre que j'avais donné ma parole au conseil de ne point sortir de la ville. Il serait peutêtre de l'équité et de la gloire du vénérable conseil de détromper sa majesté sur une fausseté si notoire, et si criante, et il n'en coûterait qu'une lettre dans la quelle on exposerait la vérité en deux mots, la multiplicité des écritures ayant empêché le roy de découvrir cette vérité qui est si peu faitte pour parvenir au trône.
Au reste monsieur j'espère toujours qu'on nous fera au moins la légère satisfaction de nous rendre l'argent qu'on nous a pris. Nous sommes avec des sentiments respectueux,
monsieur,
vos très humbles et très obéissants serviteurs
pr me Denis, et Colini Voltaire