23 juillet [1753]
Monsieur,
J'ay pris le parti d'écrire à mr Fichard, il peut à l'amiable engager Smith au moins à rendre l'argent dont il s'est emparé, c'est bien le moins après une violation aussi énorme du droit des gens.
Il est clair que le Roy de Prusse, la ville et Freitag sont embarassez. Il est encor plus clair qu'on a commis une injustice atroce. Il est impossible que Le roy de Prusse puisse aprouver l'outrage indigne qu'un scélérat a fait à ma nièce. S'il n'y avait que moy, il pourait fermer les yeux, mais que peut il dire sur ma nièce? rien, et c'est le party qu'il prend. Moy je prends celuy de redemander au moins ce qu'on voudra me rendre de mon argent. Il serait rare que je ne pusse l'obtenir, et il ne manquerait plus que cela à L'aventure pour la rendre complette. Je vous prie monsieur de parler, de faire parler, de vouloir bien m'écrire. Je conserveray autant de reconnaissance pour vous que d'indignation pour les scélérats qui ont déshonoré Francfort, et qui ont abusé du nom d'un grand roy pour comettre de si indignes vexations. Votre conseil a grand tort d'être embarassé. Quand il représente la vérité avec fermeté et noblesse à un roy dont il ne dépend pas, il s'en fait respecter et on le ménage. Quand il mollit, et qu'il condescend à la violation du droit des gens, il s'avilit et on l'écraze. C'est entendre très mal ses intérêts que d'être trop faible. Adieu monsieur, je vous souhaite un téâtre digne de vous.