15 mars [1753] à Berlin au Belvedere
Cher abbé votre stile ne m'a pas paru doux.
Vous êtes un franc secrétaire d'état, mais je vous avertis qu'il faut que je vous embrasse avant mon départ. Je ne pouray vous baiser, car j'ay les lèvres trop enflées de mon diable de mal. Vous vous passerez bien de mes baisers, mais ne vous passez point je vous en prie de ma vive et sincère amitié. Je vous avoue que je suis désespéré de vous quitter, et de quitter le roy, mais c'est une chose indispensable. Voyez avec le cher marquis, avec Federsdorf, pardieu avec le roy luy même comment vous pourez faire pour que j'aye la consolation de le voir avant mon départ. Je le veux absolument. Je veux embrasser de mes deux bras l'abbé et le marquis. Le marquis ne sera pas plus baisé que vous; le roi non plus. Mais je m'attendriray, je suis faible, je suis une pouille mouillée. Je feray un sot personnage. N'importe, je veux encor une fois prendre congé de vous deux. Si je ne me jette pas aux pieds du Roy les eaux de Plombières me tueront. J'attends votre réponse pour quitter ce pays cy en homme heureux ou en infortuné. Comptez sur moy pr la vie.
V.