1752-12-18, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Lambert d'Herbigny, marquis de Thibouville.

Mon cher duc de Foix, il faut donc que Sceaux ait toujours des Barons, mais le téâtre de Paris n'a pas toujours des Le Couvreur, c'est pour elle que le rôle d'Amelie avait été fait, elle ne sera pas remplacée.
La vieille enfant qui joue dans l'oracle et dans Zaire ne peut que faire tomber mon duc. Tranquille dans le crime et fausse avec douceur, elle ne sera pas fâchée de faire des niches à l'oncle et à la nièce. Je suis très affligée que madame Denis se soit compromise avec ce tripot. Il eût été mieux d'attendre le retour de mr de Richelieu, mais àprésent il ne faut plus qu'elle s'avilisse à postuler des désagréments. Cela n'est bon que pour moy vieux pilier de téâtre, vieux Pellegrin qui ay toutte honte bue. Je luy envoyé lettres pour M. de Richelieu, requête en forme, et mes sentiments au tripot. Cela fait je remets cette juste cause entre les mains de dieu. J'ay fait à Zulime tout ce que m'ont permis Louis 14 et Louis 15 aux quels j'ay donné presque tout mon temps en bon et loyal sujet. Mettez moy toujours aux pieds de madame la duchesse du Maine, c'est une âme prédestinée, elle aimera la comédie jusqu'au dernier moment et quand elle sera malade je vous conseille de luy administrer quelque belle pièce au lieu d'extrême onction. On meurt comme on a vécu, je me meurs moy qui vous parle, et je grifonne plus de vers que la Motte et plus de prose que la Motte le Vayer; si je faisais des vers comme vous les récitez, je travaillerais pour vous du soir au matin. Aimez moy si vous pouvez autant que vous êtes aimable.

V.