1752-06-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Sophia Friderika Wilhelmina von Preussen, margravine of Bayreuth.

Madame,

Frère Voltaire, qui n'en peut plus, frère Voltaire qui se meurt, interrompt l'agonie pour dire à votre altesse royalle qu'il croit àprésent mr d'Adémar à votre service.
Il me paraît qu'il sent tout son bonheur. Pour moy je ne suis plus bon à rien, et je ne sçais pas comment le roy votre frère a la bonté de me garder. On dit que madame la markgrave d'Ansback est à Berlin. Il y a une markgrave que je voudrais bien y voir revenir. J'imagine que l'honneur de lui faire ma cour me rendrait ma santé. Pourquoy n'y viendriez vous pas madame? On prétend que la peste est dans le haut Palatinat. Cela n'est peutêtre pas vray. La renommée ne va pas à Potsdam quand Le roy n'y est pas.

On y est séquestré du genre humain. Luy absent tout est enterré. S'il est vray que la peste soit dans vos quartiers, Potsdam est une vraye sauvegarde. On enverra contre elle des détachements de grands grenadiers, elle s'enfuira comme les autrichiens.

Le marquis Dademar m'écrit encore pour me dire qu'il serait déjà aux pieds de votre altesse roiale sans une grande maladie qu'il a eüe. Je me flatte que ce n'est pas la peste. Frère Voltaire se prosterne sur son grabat devant votre altesse royale et devant monseigneur.