Berlin 24 mars [1752]
Le triste état de ma santé monsieur ne me permet pas de vous marquer comme je voudrais la sensibilité que votre souvenir m'inspire.
Vous étudiez un art dont je me servirais si je n'avais appris par une longue et triste expérience que les médecins ne sont que les témoins des maux que nous fait la nature. Je souhaitte que vous trouviez plus de plaisir à faire des vers latins qu'à étudier Hippocrate. Apollon est le dieu des vers et de la médecine. Pour moy j'ay renoncé de touttes façons à Apollon, et je jouis d'un doux loisir que je voudrais vous voir partagér. Ce repos est fort audessus de l'honneur d'apartenir à des rois, et le bonheur d'aprocher du monarque à qui le Roy mon maitre a bien voulu me céder, rend encor ce repos plus délicieux. Ainsi je me trouve le plus heureux malade du monde, et assurément le plus pénétré d'estime pour vous.
V. t. h. et ob. serv.
Voltaire