1752-02-24, de Charles Augustin Feriol, comte d'Argental à Voltaire [François Marie Arouet].

Nous venons mon cher ami de remporter une victoire complette.
La cabale, les Crebillons, les envieux sont défaits. Vos chefs ont combattu admirablement. Ciceron a été surtout supérieur dans les 2 derniers actes. Cesar n'a pas dit un mot où il n'ait eû un applaudissement général. Le Kain a très bien joué. Melle Clairon a été très bonne et elle sera meilleure avec un peu moins de force. Le 1er et le second acte ont été extrêmement applaudis, le trois a un peu foibli, le 4 a fait le plus grand effet. Mais au 5 ce n'a pas été des applaudissements. Ils n'auroient pas suffi pour rendre l'admiration qu'il a inspirée. On l'a témoigné par des transports réitérés qui n'ont pas cessé pendant que l'acte a duré. Enfin c'est un des plus grands succès qu'il y ait jamais eû. Jugés de ma joye mon cher ami et mettés y le comble en vous portant bien. Il me semble que voilà un évènement qui doit vous redoner un peu de santé. Me d'Argental, mr de Choiseul, l'abbé Chauvelin sont transportés et vous disent mille choses. Vous sçavés mon cher ami tout ce que je pense, tout ce que je sents. Je vous écrirai une autre fois plus amplement mais en voilà assez pour une lettre dattée du champ de bataille.