A Paris ce 15 Janvier 1778
Monsieur,
L'accueil obligeant que vous avez bien voulû faire au petit ouvrage que j'eus l'honneur de vous adresser l'année dernière intitulé Les vrais Principes du gouvernement françois&c. m'authorise à vous présenter mes souhaits au commencement de cette année.
Ils s'expriment en peu de mots, que vous surpassiez Mr de Fontenelle en années et en santé autant que vôtre génie surpasse le sien.
Je dois vous rendre compte en même tems du succès du livre auquel vous avez donné vôtre suffrage.
Il a eû, à ce qu'il me paroit, celui de tous ceux qui l'ont connû; mais je ne sais par quelle fatalité, il n'a pas encore acquis un grand degré de publicité. Le continuateur de l'année littéraire et l'auteur des annonces de province sont les seuls journalistes qui en aient parlé. Le premier en a donné un extrait exact, le second incline pour Mr de Montesquieu dans les points sur les quels je ne me suis pas trouvé d'accord avec l'auteur de l'esprit sur les loix, suivant votre expression. M. M. Palissot et Clement l'ont annoncé au mois de décembre d'une manière peu fidèle, en disant que ce livre n'est qu'une réfutation de Mr de Montesquieu et de Mr l'abbé Mabli, ce qui me fait prévoir une critique. Je l'attends avec la vérité et ne la crains pas.
La lettre que vous me fites l'honneur de m'écrire au mois de juillet dernier est si flateuse qu'il seroit peu décens que je la publiasse. Vous seul, Monsieur, pourriez le faire, car il y a longtems que vous êtes en possession de distribuer la célébrité. Je me flatte que la réponse que j'eus l'honneur de vous faire dans le tems, en vous remerciant des applaudissements et des conseils que vous me donniez, a eû vôtre suffrage.
Une annecdote qui vous amusera, parce qu'elle est une suite des contradictions dont vous nous avez donné une abbrégée et milles fois si nombreuse; c'est que nonseulement cet ouvrage tout patriotique n'a pû être donné au public, qu'à l'aide d'une édition étrangère pleine de fautes; mais que depuis le mois d'Aoust que le débit en est authorisé à Paris, 122 Exemplaires arrêtés à Lyon, comme contrebande, ne sont pas encore délivrés, ou ne le sont que depuis peu de jours, car je n'en ai pas de nouvelles.
Permettez, Monsieur, que je vous réitère mes souhaits, mes remerciements et les assurances du respect avec lequel je suis,
Monsieur
Votre très humble et très obéissant Serviteur
Gin Conseiller au Grand Conseil