1749-11-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Anne Louise Bénédicte de Bourbon-Condé, duchesse Du Maine.

Ma protectrice,

Il faut que votre protégé dise à votre altesse, que j'ay suivi en tout les conseils dont elle m'a honoré.
Elle ne sauroit croire combien Ciceron et Cesar y ont gagné. Ces messieurs là auroient pris vos avis s'ils avoient vécu de votre temps. Je viens de lire Rome sauvée. Ce que votre altesse sérénissime a embelli a fait un effet prodigieux. L'abbé Leblanc qui a un peu travaillé au Catilina de Crébillon, ne veut pas que Ciceron se fie à Cesar et le pique d'honneur. Je ne le ferois pas si j'étois l'abbé le Blanc, mais j'en userois ainsi si j'étois Ciceron. Votre grande âme, madame, est plus haute que celle de l'abbé le Blanc.

Il y a un petit malheur c'est que je suis tué. Mon cœur est à vous, mais ma gorge est perdue et je vois qu'il me sera impossible de lire jeudy à Sceaux. Mais je suis toutte ma vie à vos ordres comme de raison, et avec le plus profond respect et le plus vif attachement,

madame,

de votre altesse sérénissime

le très humble et très obéisst serviteur

Voltaire