1751-12-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Ah madame! madame vous êtes trop bonne.
Quand on a un mauvais corps à près de soixante ans, les médecins ne vous en font point un autre. Je n'ay plus d'illusions d'aucune espèce. Je n'ay que des regrets. J'ay vu périr à l'âge de quarante ans, une personne digne comme vous de vivre à jamais. Le bonheur de vous voir sera à Berlin la seule consolation dont je sois capable. Les médecins me rendraient ils les dents que j'ay perdues à Potsdam, et dieu me rendra t'il madame du Chastellet? Ny dieu ny Federic n'y peuvent rien. Mais vous y pouvez quelque chose en me conservant vos bontez et la place de votre second malade. Ce monde cy n'est qu'un songe court et triste. Mais vous êtes ce que je voi de mieux dans mon songe de la vie. Comptez sur mon inviolable attachement.