1751-10-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Si je vous oubliois madame, je serois un ingrat.
Si je vous avais quittée pour quelque comtesse de Potsdam je serois un inconstant. Mais je pense toujours à vous, et je n'ay mis que la plus profonde solitude à la place des entretiens charmants dont vous m'honoriez. Soyez bien sûre madame que vous me rendez le reste du monde insipide. Je le suis devenu loin de vous au point de ne vous pas écrire, mais je suis chartreux. Je vis dans ma cellule. Je ne suis au monde que quand je vous vois. Aureste en qualité de moine je prie dieu pour le succez de vos affaires et en qualité de philosofe, je déteste les titres qu'on prodigue, et la fausse ivresse d'une affection de commande pour des personnes qu'on n'a presque point vues. Ce feint entousiasme déplait bien à la sincérité de mon cœur qui vous aime véritablement. Je vous suis attaché madame parceque je vous connais. Il n'est pas permis de l'être autrement.

V.