[c. 14 November 1750]
S'il est vray que monsieur Darnaud ait écrit en France pour rétracter une préface dont il m'avoit demandé l'an passé la permission d'orner mes faibles ouvrages, ce procédé doit d'autant plus m'étonner, que cette préface est écritte toutte de sa main, et signée de luy, et je n'en ay retranché que les éloges trop forts qu'il me donnoit.
S'il a pu penser qu'il y eût dans cette préface quelques réflexions dont le gouvernement pût être mécontent, il a encor très grand tort. Je l'ay montrée au roy de Prusse qui n'y a rien trouvé qui pût blesser personne. Si mr Darnaud s'est plaint dans ses lettres que je l'aye desservi auprès du roy de Prusse, c'est un nouveau sujet de repentir qu'il s'est préparé. Le Roy m'est témoin que non seulement je ne luy ay jamais dit le moindre mal de ce jeune homme, mais que je l'ay excusé dans touttes ses fautes, non seulement auprès du roy, mais auprès de la nation, et des français qui sont icy. J'ay été assez heureux pour luy rendre quelques petits services à Paris et je n'ay point changé icy de sentiment à son égard. Je me flatte qu'il se rendra digne des bontez du roy et de tous ceux qui sont à sa cour.
Quant à sa préface, il y a longtemps que j'avois suplié ceux qui comptoient entreprendre une édition de mes ouvrages de supprimer ce morceau parce qu'il suffisoit de celles dont monsieur Cocchi et mr Marmontel m'avoient honoré. Je me flatte qu'on m'a tenu parole. Au reste je ne connois point L'édition nouvelle qui doit, dit on, paraître. Je souhaitte qu'elle soit plus correcte et plus fidèle que les précédentes.