1750-10-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

J'ajoute un petit mot à ma lettre.
C'est àpropos de Rome sauvée. Les anges prétendent qu'ils n'ont point vu sur la copie ces vers au 4ème acte:

Marchons, servons l'état contre eux et contre luy
Ou si des derniers cris de Rome ensanglantée
La pitié dans votre âme est du moins excitée
Courez au Capitole, allez vanger nos dieux
Deffendez leur azile, ou mourez à leurs yeux
Du fier Catalina soutenez les aproches.
Je ne vous ferai point d'inutiles reproches
D'avoir pu ballancer entre ce monstre et moy.
Vous sénateurs blanchis dans l'amour de la loy
Nommez un chef enfin, pour n'avoir point de maîtres
Amis de la vertu séparez vous des traitres
Point d'esprit de party etc.

On vient de faire un très bel opéra italien de ma Sémiramis. Pourquoy ne rejoue t'on pas cette pièce à Paris? Mais il faut tout attendre d'un siècle devenu barbare. Les Français n'ont conservé dans les belles lettres, que l'envie, et le mauvais goust. On rejouera Pirrus, Cenie. Vous souvient il de Cénie? Quels aplaudissements et quel pitoyable ouvrage! Je ne dis cela qu'à vous. Je n'écris à Paris à aucun hottentot.