1752-10-31, de Frederick II, king of Prussia à Voltaire [François Marie Arouet].

Si vous continuez du train dont vous allez, le dictionnaire sera fait en peu de temps. L'article de l' âme que je reçois, est bien fait; celui du baptême y est supérier. Il semble que le hasard vous fait dire ce qui pourtant est la suite d'une méditation. Votre dictionnaire imprimé, je ne vous conseille pas d'aller à Rome; mais qu'importe Rome, sa sainteté, l'inquisition, & tous les chefs tondus des ordres irreligieux qui crieront contre vous! L'ouvrage que vous faites sera utile par les choses, & agréable par le style; il n'en faut pas davantage. Si l'âme de vos nerfs demeure dans un état de quiétude, je serai charmé de vous voir ce soir; sinon je croirai qu'elle se venge sur votre corps du tort que votre esprit lui fait. Ce qu'il y a de sûr, c'est que je ne crois pas que moi ni personne soit double. Les grands en parlant d'eux, disent nous, ils n'en sont pas multipliés pour cela. Mettons la main sur la conscience & parlons franchement; l'on avouera de bonne foi que la pensée & le mouvement dont notre corps a la faculté, sont des attributs de la machine animée, formée & organisée comme l'homme. Adieu.

F.