1750-03-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas René Berryer de Ravenoville.

Monsieur,

Je me suis présenté à votre porte pour vous supplier de ne point laisser avilir les gens de lettres en France, et surtout ceux que vous honorez de vos bontez au point qu'il soit permis aux srs Freron et abbé de la Porte d'imprimer tous les quinze jours les personalitez les plus odieuses.
L'abbé Reinal attaqué comme moy est venu avec moy monsieur pour vous suplier de suprimer ces scandales dont tous les honnêtes gens sont indignez. Ayez la bonté monsieur d'en conférer avec monsieur Dargenson si vous le jugez nécessaire. Daignez prévenir les querelles violentes qui naîtront infailliblement d'une pareille licence. Elle est portée au plus haut point, et pour peu que vous le vouliez elle cessera. Il est dur pour un homme de mon âge, pour un officier du roy, d'être compromis avec de pareils personnages. Je vous conjure de m'en épargner le désagrément. Je vous auray deux obligations, celle de mon repos, et celle de rester en France. J'ay l'honneur d'être avec une respectueuse reconnaissance,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire