1738-11-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Aimable ange gardien, il faut que vous le soyez non seulement de Cirey, mais de tout le canton.

Protégez je vous en conjure de la manière la plus efficace, monsieur l'abbé de Valdruche, qui vous rendra cette lettre. C'est le fils de mon médecin et d'un de mes meilleurs amis. Vous vous sentirez bien disposé en sa faveur quand vous saurez qu'il a pour tout bien un petit canonicat de Joinville que le chapitre lui a conféré légitimement, et que notre st père le pape veut luy ôter. N'est il pas bien odieux qu'un Evêque étranger puisse disposer d'un bien qui est en France, qu'on ait des maîtres à trois cents lieues de chez soy, et qu'on mette en question qui doit l'emporter des droits les plus sacrez des hommes, ou d'un rescript du pape? Tout est subreptice, tout est abusif dans les procédez de l'eclésiastique qui dispute le bénéfice à l'abbé de Valdruche; mais il a pour luy le pape, et les capucins de Chaumont. Figurez vous que les juges de Chaumont ont osé donner la provision au papimane et qu'à l'audiance on a cité des jurisconsultes italiens qui disent papa omnia potest. Que votre zèle de bon citoyen s'allume. C'est un chainon des fers ultramontains qu'il s'agit de Brizer. Vous êtes à portée de procurer au fils de mon amy, une audiance prompte. C'est tout ce qu'il luy faut. Je crois que sa cause est celle de nos libertez, et la cause même du parlement. Dites luy mon cher amy comment il faut qu'il se conduise; adressez le aux bons faiseurs, c'est mon procez que vous me faites gagner. Je croi que je vous en aimerois d'avantage si la chose étoit possible. Adieu, vous n'aurez jamais mieux récompensé le tendre et respectueux attachement que j'auray pour vous toute ma vie.

Volt.