Le 29 août 1749

Vous avez à dîner chez vous, monsieur.
Vous y avez potage, vin & viandes: je vous fais donner bois & bougie; & vous vous plaignez à m. le duc, au roi même, aussi injustement! Sa majesté m'a remis votre lettre, sans m'en rien dire; & je n'ai pas voulu pour vous même, lui dire que vous aviez le plus grand tort du monde de vous plaindre. Il est des règles ici qu'il faut suivre: ainsi, vous aurez agréable de vous soumettre; je ne m'en départs point: c'est que rien ne se donne à la cave par extraordinaire, sans un billet de moi chaque jour. Le détail est grand & pénible; il est pour moi. Que vous importe, pourvu que vous ayez ce que vous demandez?

Vous n'avez manqué de rien: je le dis à vous même; & vous dites que vous avez manqué de tout!

Vous êtes le premier qui se soit plaint de la façon dont on reçoit ici les étrangers, puisque vous voulez l'être. Je vous ai fait donner ce que vous avez demandé; & vous avez, encore une fois, tort de vous plaindre.

Vous citez la cour de France pour modèle. Elle a ses règles, & nous avons les nôtres: mais la nôtre est absolument inutile à la cour de France, vous le savez mieux que moi.

Je suis très fâché, pour vous même, de vos démarches, & j'espère que vous sentirez combien elles sont déplacées, puisque je compte que vous vous trouverez très bien de la façon avec laquelle vous avez été traité jusqu'à présent, & à laquelle il n'y a rien [à] ajouter.

Je vous nie qu'Allyotus, conseiller aulique, fit donner du pain, du vin, de la chandelle à Virgile.

Je le fais à m. de Voltaire, parce que c'est un pauvre homme, & que Virgile était puissant, & avait chez lui une table fine et excellente, où il traitait ses amis & y était à son aise avec eux: ainsi nulle comparaison des temps. Virgile, d'ailleurs, travaillait pour son plaisir & pour la gloire de son siècle; au lieu que m. de Voltaire le fait par nécessité & pour ses besoins. Ainsi, on accorde à l'un par bienséance, ce que l'on n'aurait osé offrir à l'autre, crainte d'être refusé.