1737-01-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Maurice de Saxe, comte de Saxe.

Voici, monsieur le comte, la défense du Mondain; j'ai l'honneur de vous l'envoyer, non seulement comme à un mondain très aimable, mais comme à un guerrier très philosophe, qui sait coucher au bivouac aussi lestement que dans le lit magnifique de la plus belle de ses maîtresses, & tantôt faire un souper de Luccullus, tantôt un souper de hussard.

Omnis Aristippum decuit color & status & res.

Je vous cite Horace qui vivait dans le siècle du plus grand luxe, & des plaisirs les plus raffinés. Il se contentait de deux demoiselles ou de l'équivalent; & souvent il ne se faisait servir à table que par trois laquais; cœna ministratur pueris tribus. Les poètes de ce temps ci sous un Mécène, tel que le cardinal de Fleuri, sont encore plus modestes.

Oui, je suis loin de m'en dédire,
Le luxe a des charmes puissants;
Il encourage les talents,
Il est la gloire d'un empire.
Il ressemble aux vins délicats,
Il faut s'en permettre l'usage:
Le plaisir sied très bien au sage;
Buvez, ne vous enivrez pas.
Qui ne sait pas faire abstinence
Sait mal goûter la volupté;
Et qui craint trop la pauvreté
N'est pas digne de l'opulence.