Lorsqu'à Paris, centre des voluptés,
Dans le duvet mollement encroûté,
Vous adorez l'amour et la paresse,
Tous vos français, flasques, efféminés
Et de la guerre à jamais dégoûtés,
Devant l'hussard fuient avec vitesse,
Laissent tomber l'empereur par faiblesse
Et, regrettant Paris et leurs amours,
Se font en sots tuer par les pandours.
Lorsqu'à Madrid la reine par adresse
Du triste roi régit les sombres jours,
De ses écarts le retenant sans cesse
Et l'arrêtant au trône par détours;
De Gage au camp, que l'autrichien oppresse,
Très vainement d'elle attend des secours.
Lorsqu'en Hollande un peuple et Cartret crie:
'Aux français tous allons ôter la vie!
Sacrifiez, hollandais, vos trésors,
Afin qu'à Londres un florissant commerce,
S'établissant dans cette controverse,
Nous enrichisse et dévaste vos ports!'
Lorsque Thérèse, et battue et battante,
Se rétablit, contre l'humaine attente,
A peine encore échappée de l'écueil,
Et se trouvant heureuse et triomphante
Que son esprit impérieux enfante
En son bonheur un fier hydre d'orgueil
Que votre ami, plus qu'eux tous philosophe,
Sur son vaisseau, qu'il a soustrait aux vents,
Voit à regret l'illustre catastrophe
Que le destin fait tomber sur les grands.
Je voudrais que vous vinssiez une fois à Berlin pour y rester, et que vous vouliez aussi soustraire votre nacelle légère aux bourrasques et aux vents qui l'ont battue si souvent en France. Pourquoi, mon cher Voltaire, pouvez vous souffrir que l'on vous exclue ignominieusement de l'académie, et qu'on vous batte des mains au théâtre, dédaigné à la cour, adoré à la ville; pour moi je ne m'accommoderais point de ce contraste; et de plus, la légèreté des Français ne leur permet pas d'être jamais constants dans leurs suffrages ou dans leur mépris. Venez ici, auprès d'une nation qui ne changera point ses jugements à votre égard, et quittez un pays où les Belle-Isle, les Chauvelin et les Voltaire ne trouvent point de protection. Adieu.
Envoyez moi la Pucelle, ou je vous renie.