1738-01-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Laurent François Prault.

Le projet que vous avez de donner un receuil de mes faibles ouvrages, redouble en moy l'ardeur de les corriger.
Non seulement je retouche la Henriade avec un soin très scrupuleux mais je retravaille toutes mes tragédies.

Envoyez moy mon cher Praut trois Brutus, trois Œdipes, avec l'exemplaire de l’Œdipe corrigé que vous devez avoir. Je prétends les envoyer aux comédiens, avec les nouvaux changements qui sont très considérables, et vous les imprimerez tels que les comédiens les auront représentez.

Mandez moy si on a joué l'enfant prodigue tel que vous l'avez imprimé. Je voudrais que votre edition fût brûlée, aussi bien que tout ce que j'ay fait. Je ne suis content de rien et je racommode tout.

Je vous dois de l'argent, mais aulieu de vous en donner je vous proposeray d'en débourser. Envoyer chercher mr Linant, vous en aurez des nouvelles chez un nommé Demoulins, vis à vis le cul de sac d'Argenson, vieille rue du Temple. Il a fait une tragédie qui doit avoir du succez. Donnez luy 50lt de ma part. Je vous les rendray, s'il ne vous les rend sur l'impression de sa pièce.

Autre argent à placer. La Marre pouroit aussi vous donner quelque chose. Faites le même marché avec luy, j'en répondray de même. Cela est dans l'ordre que les marchands encouragent les ouvriers, et que les libraires assistent les auteurs. Mais vous ne risquez rien, je me charge de tout.

Répondez pardieu, ou je vous renie.

V.

Avant de vous renier je vous embrasse.