J'ay reçu votre lettre, mon cher Praut.
Si vous étiez toujours aussi exact je vous aimerois baucoup.
Vous avez donc donné 120 livres à mr de la Mare, et vous avez plus fait que je n'avois osé vous demander. Je me charge du payement s'il ne vous paye pas.
Je vais vous rembourser et les 50lt que vous avez donnez à mr Linant, et quelque argent que je vous dois. Prenez à bon compte ces 400lt que je vous envoye en un billet sur mon amy mr l'abbé Moussinot. Vous m'enverrez votre mémoire dans le courant de janvier.
Sitost la présente reçue faites un ballot d'un Bayle entier bien complet, et envoyez le à mr l'abbé de Breteuil, grand vicaire à Sens, avec une feuille de papier, où vous mettrez, à m r l'abbé de Breteuil de la part de son très humble et très obéissant serviteur Voltaire, le tout bien bau, bien emballé. C'est un petit présent d'étrennes.
Voicy les vôtres cy incluses. Tâchez d'imprimer avec permission cette nouvelle épître morale, en attendant que je vous envoye le receuil complet et corrigé.
Montrez cela à mr Duclos, et demandez son avis. Consultez de bons juges. J'envoye le double à mr Dargental. Je la mets dans le paquet de mr Dargental par ce que la sienne n'est pas prête. Il vous l'enverra.
Si vous n'avez point de permission, renvoyez moy l'ouvrage.
La Henriade est bientôt prête. Vous prendrez votre party, je ne veux que vous faire plaisir.
J'attends les Brutus, et les Œdipes.
Je vous embrasse de tout mon cŒur.
Voltaire
à Cirey ce 13 Xbre 1738