Samedy [?5 September 1739] à l'hôtel Richelieu
Adorable Talie j'ay une pièce de résistance à vous donner et vous me demanderiez de la crème fouettée! J'ay relu Mahom. j'ay relu Zulime; cette Zulime est bien faible, et L'autre est peutêtre ce que j'ay fait de moins mal; j'espère que la bonne foy avec laquelle je condamne mon Afriquaine, servira à faire passer le peu de bien que j'ose penser de mon prophète.
Enfin, voylà Mahom.; Lamarre qui a seu ce secret comme il avoit extorqué celuy de l'enfant prodigue, nous gardera la même fidélité. Il l'a lu, il s'y connoit, je le pense ainsi, car il en est tout entousiasmé, et il espère un long succez.
Vous craignez les horreurs; eh bien, chef aimable de mon conseil pourquoy donner de suitte Atrée, Œdipe et Mahomet? n'avez vous pas des Berenices et des Zaires? et s'il arrivoit un malheur à la Palmire, où seroit le mal de Donner L'Alzire? et de garder Œdipe pour la rentrée de Pâques?
Décidez, je m'en remets à vous, nul que vous n'aura le manuscript. Ne le laissez jamais un quart d'heure entre les mains de Minet. Il ne manque jamais d'en faire des copies et de les vendre aux comédiens de campagne.
Sachez ma belle Talie, qu'en vous envoyant mon prophète je corrigeray encor baucoup, mais je corrigeray bien davantage quand j'auray receu vos avis. Vous savez que vous êtes mon oracle.
Je suis à vos pieds.
V.
Je crois que vous pouriez lire toujours ce Mahom. à vos camarades, et en attendant je vous promets de le bien retoucher.