1749-02-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Frederick II, king of Prussia.

Sire,

Ce n'est pas le tout d'être roy, et d'être un grand homme en une douzaine de genres, il faut secourir les malheureux qui vous sont attachez.
Je suis arrivé à Paris paralitique, et je suis encor dans mon lit. Vespasien guérit bien un aveugle; vous valez mieux que luy. Pourquoy ne me guéririez vous pas? Je n'ay encor trouvé rien qui me fit plus de bien que les vrayes pillules de Stahll, et nous n'en avons à Paris que de mal contrefaittes. Je voi bien que tout mon salut est à Berlin. Votre majesté me dira peutêtre que le Roy Stanislas est mon médecin et elle me renverra à luy. Eh bien Sire, je prends le roy Stanislas pour mon médecin, et le roy de Prusse pour mon sauveur.

Je supplie votre majesté de daigner m'envoyer une livre des vraies pillules de Stall. Elle peut ordonner qu'on me les adresse par la poste sous l'enveloppe de Mr de la Reiniere, fermier général des postes de France, si elle n'aime mieux m'envoyer ce petit restaurant par les srs Mettra, comme elle faisoit autrefois.

Mettez moy Sire en état de pouvoir vous faire ma cour au commencement de cet été. Ce seroit ce voiage là qui me donneroit encor quelques années de vie. Je viendrois ranimer auprès de mon soleil le feu de mon âme qui s'éteint.

Le flambeau du fils de Japet
Et la fontaine de jouvence,
Feroient sur moy bien moins d'effet,
Que deux jours de votre présence.

Recevez Sire avec votre bonté ordinaire l'attachement, le profond respect, l'admiration de votre ancien serviteur, de votre ancien protégé, de celuy dont l'âme a été toujours à genoux devant la vôtre.

V.