A Versailles le 7 avril 1747
Monsieur,
La lettre aimable, dont vous m'honorez, me donne bien du plaisir & bien des regrets; elle me fait sentir tout ce que j'ai perdu.
J'ai pu être témoin du moment où votre excellence signait le bonheur de la France, j'ai pu voir la cour de Dresde, & je ne l'ai point vue. Je ne suis pas né heureux; mais vous, monsieur, avouez que vous êtes aussi heureux que vous le méritez.
Vous avez retrouvé à Dresde ce que vous avez quitté à Versailles, un roi aimé de ses sujets.
Rien ne prouve mieux, combien il est difficile de savoir au juste la vérité dans ce monde; & puis, monsieur, les personnes qui la savent le mieux, sont toujours celles, qui la disent le moins. Par exemple ceux, qui ont l'honneur d'approcher des trois princesses que la reine de Pologne a données à la France, à Naples, à Munich, pourront ils jamais dire laquelle des trois nations est la plus heureuse?
En voyant monseigneur le dauphin avec madame la dauphine, je me souviens de Psiché, & je songe que Psiché avait deux sœurs:
Mais il y aurait peut-être, monsieur, un moyen de finir cette dispute, dans laquelle Paris aurait coupé sa pomme en trois.
Vous voyez, monsieur, que sans être politique j'ai l'esprit conciliant: je compte bien vous faire ma cour avec de tels sentiments, et de plus vous pouvez être sûr qu'on est très disposé à Versailles à mériter cette préférence. Si on travaille aussi efficacement à Breda, nous aurons la paix du monde la plus honorable.
Je serais très flatté, monsieur, si mes sentiments respectueux pour m. le comte de Brüll lui étaient transmis par votre bouche. Je n'ose vous supplier de daigner, si l'occasion s'en présentait, me mettre aux pieds de leurs majestés. Si vous avez quelques ordres à me donner pour Versailles ou pour Paris, vous serez obéi avec zèle.
J'ai l'honneur d'être avec respect, monsieur, de votre excellence le &c.