Paris, de la Bibliothèque du Roi, 16 8bre 1769
Monsieur,
Permettez moi d'interrompre un instant des travaux destinés au bonheur du genre humain, pour vous supplier de vous intéresser à l'ouvrage d'une jeune homme, votre plus grand admirateur.
J'ai dessein de faire paraître tous les ans, un volume sous le titre d' Etrennes du Parnasse. Cet ouvrage offrira les plus belles pièces de poésie qui ont paru dans l'année; elles seront précédées d'une notice assez considérable, qui contiendra les vies des plus illustres [… poètes] anciens et modernes, à commencer par les Grecs. J'ose me flatter que les âmes honnêtes ne confondront point cet ouvrage avec L'Almanach des Muses. Je ne m'arme point du style de la satyre; la décence, l'impartialité, la candeur présideront à mes faibles travaux, et je ne recevrai que des ouvrages avoués par les Muses, ces chastes filles qui, selon vos belles expressions
Pourrais je ne pas captiver votre suffrage en tenant une pareille conduite? Jetez les yeux, monsieur, sur un jeune homme qui commence et qui est destiné par son état et par son goût à cultiver les lettres toute sa vie. Attaché à un corps respectable et travaillant sous les auspices de m. Capperonnier, garde de la bibliothèque du roi, que vous honorez de vos bontés, j'ose me flatter que vous m'accorderez la faveur que je vous demande, et que vous ne me confondrez pas avec ces importuns auxquels souvent vous ne daignes pas répondre. Vous pouvez m'éclairer et me servir de protecteur.
Tous les jeunes gens qui portent dans la littérature un cœur plein de candeur et d'honnêteté méritent votre attention. L'âme noble et sublime qui a peint Alvarès, Lusignan, Mornay et le grand Henri, l'âme qui parle si souvent à mon cœur, l'écrivain pathétique qui me fait couler de si douces larmes me refuserait il un regard propice? Ayez, monsieur, la générosité de me faire parvenir, à la bibliothèque du roi, les morceaux de poésie que vous avez dans votre porte-feuille et ceux que vous aurez occasion de faire par la suite. Votre nom seul peut rendre immortel la plus faible production. Ces morceaux délicats et exquis qui font à la fois notre admiration et notre désespoir, sont des jeux pour vous. Les cris de quelque misérable journaliste et les vaines déclamations des Cerbères de la littérature n'empêchent point les juges équitables et les âmes sensibles de vous regarder comme le plus grand homme de votre siècle et celui qui a le plus contribué à faire adorer l'humanité
J'attends ardemment de mon maître une réponse digne d'enflammer mon zèle pour les arts. Il a fait une pièce charmante sur le mariage de m. le dauphin. Quel bonheur pour moi, s'il daigne me répondre, m'éclairer de ses conseils et m'envoyer ce morceau précieux!
Je suis avec le respect et l'admiration que m'inspire votre génie,
Monsieur
votre, &ca, &ca.