De la Bibliothèque du Roi ce 17 8bre 1768
Monsieur,
Vous m'avés témoigné trop d'amitié pour que J'hésite à vous demander un service auquel J'attache le plus grand prix.
M. de Voltaire m'a fait présent d'un exemplaire de ses œuvres in 8. et dans les tracasseries qu'on m'a faites au passage de Lyon, malgré les précautions que j'avois prises, Messieurs de la chambre syndicale m'ont égaré ou m'ont retenu par belle malice, 1. le tome cinquième tout entier; 2. la comédie de Nanine dans le tome dixième. On doit être empressé et je le suis en effet de compléter les œuvres de ce grand homme, qui n'a point eu d'égal dans l'antiquité et qui laisse loin derrière lui tous ses contemporains. Je ne doute point, Monsieur, qu'en priant M. Cramer de chercher dans ses défaits, il ne puisse aisément me rendre complet; et je me flatte que vous voudrés bien faire cette démarche auprés de lui. Vous savés, Monsieur, que les amateurs sont jaloux des éditions originales. C'est pourquoi si vous pouviés me procurer par même moyen l'Ingenu, l'homme aux 40 écus, la princesse de Babylone, les droits des hommes et les torts des autres, le diner du Comte de Boulainvilliers, la Relation du Bannissement des Jesuites de la Chine, le quatrième volume des nouveaux mélanges, et la nouvelle édition du Siecle de Louis XIV qui paroit, à ce qu'on m'a dit; Je vous aurois les plus grandes obligations. M. Durand des affaires étrangères a des bontés pour moi; il se chargeroit volontiers du petit paquet que formeroient ces différentes brochures. Vous auriés la complaisance de me marquer ce que ces acquisitions vous auroient coûté, et j'en remettrois l'argent à la personne que vous m'indiqueriés. Il ne tiendroit qu'à moi de dire comme le petit Suisse des Mémoires de Gramont, Pardon, Monsieur, de la liberté grande, mais ce seroit une plaisanterie; et ce qui vaut bien mieux, à mon gré, ce sont les sentimens du respectueux attachement avec lequel j'ai L'honneur d'être,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur
Capperonnier