1765-02-26, de Charles Michel de Villette, marquis Du Plessis-Villette à François Louis Claude Marin.

Madame Denis me charge, monsieur, de vous rendre compte de tout le plaisir que nous a fait la lecture de votre dernier ouvrage; il est devenu l'amusement des veillées de Ferney, qui valent bien celles de Thessalie: nous avons ri dans l'amant heureux, et nous avons pleuré de bon coeur dans Federic.
Mde Denis prétend que la jolie fable d'Agathon seroit susceptible d'être mise sur la sçêne, et si mr de Voltaire n'eût pas renversé son théâtre, melle Corneille eût joué le rôle d'Anthée, mde Denis seroit volontiers devenue sa nourrice. Si les divers morceaux que nous avons lu, font l'éloge de votre esprit, les observations font celui de votre caractère. Je me suis vanté d'être une de vos plus anciennes connoissances, et je ne suis pas étonné de retrouver dans votre manière de penser et d'écrire cette urbanité, cette politesse du coeur, qui vous concilie ceux de tous les hommes de goût. Il seroit bien à désirer pour l'honneur de la philosophie, que les philosophes vous ressemblassent. On leur accorderoit sans hésiter, les sentimens de l'estime, et de la vénération sincère avec la quelle j'ai l'honneur d'être monsieur votre très humble et très obéissant serviteur

le Mquis de Villette

J'avois envie de vous adresser les vers que je me suis avisé de faire à mr de Voltaire, ceux qu'il a daigné me répondre, mais vous savés bien que l'auteur de la pucelle fait de jolis vers, et vous avés autre chose à faire qu'à lire les miens.